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ACTE II, SCÈNE VIL 534

Je tins sur mon hymen l’univers en suspens ;

Et quand la voix du peuple, à la fleur de mes ans,

Cette voix qu’aujourd’hui le ciel même seconde,

Me pressait de donner des souverains au monde ;

Si quelqu’un put prétendre au nom de mon époux,

Cet honneur, je le sais, n’appartenait qu’à vous ;

Vous deviez l’espérer, mais vous pûtes connaître

Combien Sémiramis craignait d’avoir un maître.

Je vous fis, sans former un lien si fatal,

Le second de la terre, et non pas mon égal.

C’était assez, seigneur ; et j’ai l’orgueil de croire

Que ce rang aurait pu suffire à votre gloire.

Le ciel me parle enfin ; j’obéis à sa voix :

Écoutez son oracle, et recevez mes lois.

Babylone doit prendre une face nouvelle.

Quand, d’un second hymen allumant le flambeau.

Mère trop malheureuse, épouse trop cruelle,

Tu calmeras Ninus au fond de son tombeau. »

C’est ainsi que des dieux l’ordre éternel s’explique.

Je connais vos desseins et votre politique ;

Vous voulez dans l’État vous former un parti :

Vous m’opposez le sang dont vous êtes sorti.

De vous et d’Azéma mon successeur peut naître ;

Vous briguez cet hymen, elle y prétend peut-être.

Mais moi, je ne veux pas que vos droits et les siens.

Ensemble confondus, s’arment contre les miens :

Telle est ma volonté, constante, irrévocable.

C’est à vous de juger si le dieu qui m’accable

A laissé quelque force à mes sens interdits,

Si vous reconnaissez encor Sémiramis,

Si je puis soutenir la majesté du trône.

Je vais donner, seigneur, un maître à Babylone.

Mais soit qu’un si grand choix honore un autre ou vous.

Je serai souveraine en prenant un époux.

Assemblez seulement les princes et les mages ;

Qu’ils viennent à ma voix joindre ici leurs suffrages ;

Le don de mon empire et de ma liberté

Est l’acte le plus grand de mon autorité ;

Loin de le prévenir, qu’on l’attende en silence.

Le ciel à ce grand jour attache sa clémence ;

Tout m’annonce des dieux qui daignent se calmer ;

Mais c’est le repentir qui doit les désarmer.