Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/522

Cette page n’a pas encore été corrigée

518 SËMIRAMIS

Soit en effet sorti du séjour infernal ?

Souvent de ces erreurs notre âme est obsédée * ;

De son ouvrage môme elle est intimidée ;

Croit voir ce qu’elle craint ; et, dans l’horreur des nuits.

Voit enfin les objets qu’elle-même a produits.

SÉMIRAMIS.

Je l’ai vu : ce n’est point une erreur passagère Qu’enfante du sommeil la vapeur mensongère ; Le sommeil, à mes yeux refusant ses douceurs, N’a point sur mes esprits répandu ses erreurs. Je veillais, je pensais au sort qui me menace. Lorsqu’au bord de mon lit j’entends nommer Arzace. Ce nom me rassurait : tu sais quel est mon cœur ; Assur depuis un temps l’a pénétré d’horreur. Je frémis quand il faut ménager mon complice : Rougir devant ses yeux est mon premier supplice, Et je déteste en lui cet avantage affreux Que lui donne un forfait qui nous unit tous deux. Je voudrais... mais faut-il, dans l’état qui m’opprime, Par un crime nouveau punir sur lui mon crime ? Je demandais Arzace, afin de l’opposer Au complice odieux qui pense m’imposer ; Je m’occupais d’Arzace, et j’étais moins troublée. Dans ces moments de paix, qui m’avaient consolée, Ce ministre de mort a reparu soudain Tout dégouttant de sang, et le glaive à la main : Je crois le voir encor, je crois encor l’entendre. Vient-il pour me punir ? vient-il pour me défendre ? Arzace au moment même arrivait dans ma cour ; Le ciel à mon repos a réservé ce jour. Cependant toute en proie au trouble qui me tue, La paix ne rentre point dans mon âme abattue. Je passe à tout moment de l’espoir à l’effroi. Le fardeau de la vie est trop pesant pour moi. Mon trône m’importune, et ma gloire passée N’est qu’un nouveau tourment de ma triste pensée. J’ai nourri mes chagrins sans les manifester ;

1. Polyeucte dit h Néarque :

Je sais ce qu’est un songe, et le peu de croyance Qn’un homme peut donner à son extravagance, Qui, d’un amas confus des vapeurs de la nuit, Forme de vains objets que le réveil détruit.