Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/521

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE I, SCÈNE V. 517

OTANE.

Perdèz-en pour jamais Timportune mémoire ; Que de Sémiramis les beaux jours pleins de gloire Effacent ce moment heureux ou malheureux Qui d’un fatal hymen brisa le joug aflfreux. Ninus, en vous chassant de son lit et du trône, En vous perdant, madame, eût perdu Babylone. Pour le bien des mortels vous prévîntes ses coups ; Babylone et la terre avaient besoin de vous : Et quinze ans de vertus et de travaux utiles, Les arides déserts par vous rendus fertiles. Les sauvages humains soumis au frein des lois. Les arts dans nos cités naissant à votre voix, Ces hardis monuments que l’univers admire. Les acclamations de ce puissant empire, Sont autant de témoins dont le cri glorieux A déposé pour vous au tribunal des dieux. Enfin, si leur justice emportait la balance. Si la mort de Ninus excitait leur vengeance. D’où vient qu’Assur ici brave en paix leur courroux ? Assur fut en effet plus coupable que vous ; Sa main, qui prépara le breuvage homicide. Ne tremble point pourtant, et rien ne l’intimide.

SÉMIRAMIS.

Nos destins, nos devoirs, étaient trop différents : Plus les nœuds sont sacrés, plus les crimes sont grands. J’étais épouse, Otane, et je suis sans excuse ; Devant les dieux vengeurs mon désespoir m’accuse. J’avais cru que ces dieux, justement offensés. En m’arrachant mon fils, m’avaient punie assez ; Que tant d’heureux travaux rendaient mon diadème, Ainsi qu’au monde entier, respectable au ciel même ; Mais depuis quelques mois ce spectre furieux Vient affliger mon cœur, mon oreille, mes yeux. Je me traîne à la tombe, où je ne puis descendre ; J’y révère de loin cette fatale cendre ; Je l’invoque en tremblant : des sons, des cris affreux, De longs gémissements répondent à mes vœux. D’un grand événement je me vois avertie. Et peut-être il est temps que le crime s’expie.

OTANE.

Mais est-il assuré que ce spectre fatal,