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410 LA PRUDE.

LE CHEVALIER MONDOR.

Va, c’est à moi qu’il le faut demander ; Sans risquer rien je puis te raccorder. Tu la verras tout comme à Tordinaire.

BLÂNFORD.

Respectez-la ; c’est ce qu’il vous faut faire, Et gardez-vous de la désapprouver.

DARMIN.

Et sa cousine, où peut-on la trouver ? On m’avait dit qu’elles vivaient ensemble.

COLETTE.

Oui, mais leur goût rarement les assemble. Et la cousine avec dix jeunes gens, Et dix beautés, se donne du bon temps. Et d’une table et propre et bien servie Presque toujours vole à la comédie. Ensuite on danse, ou l’on se met au jeu : Toujours chez elle et grand’chère et beau feu. De longs soupers et des chansons nouvelles, Et des bons mots, encor plus plaisants qu’elles ; Glaces, liqueurs, vins vieux, gris, rouges, blancs. Amas nouveaux de boîtes, de rubans. Magots de Saxe, et riches bagatelles, Qu’Hébert* invente à Paris pour les belles : Le jour, la nuit, cent plaisirs renaissants. Et de médire à peine a-t-on le temps.

LE CHEVALIER MONDOR.

Oui, notre ami, c’est ainsi qu’il faut vivre.

DARMIN.

Mais pour la voir où faudra-t-il la suivre ?

COLETTE.

Partout, monsieur, car du matin au soir. Dès qu’elle sort, elle court, veut tout voir. Il lui faudrait que le ciel par miracle Exprès pour elle assemblât un spectacle, Jeu, bal, toilette, et musique, et soupe ; Son cœur toujours est de tout occupé.

1. Fameux marchand de curiosités. {Note de Voltaire,)— Dans le premier d«^ Hcs Discours sur l’homme, Voltaire avait déjà parlé de

Ces riches bagatelles Qu’Hébert vend à crédit pour tromper tant de belles. (B.)