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39S LA PRUDE.

D’ouvrir ses yeux, de les désabuser, Et de briller dans ton vrai caractère ?

ADINE.

Peut-on briller lorsqu’on ne saurait plaire ? Hélas i du jour que par un sort heureux Dessus, son bord il nous reçut tous deux. J’ai bien tremblé qu’il n’aperçût ma feinlo : En arrivant, je sens la même crainte.

DARMIN.

Je prétendais te découvrir à lui.

ADINE.

Gardez-vous-en, ménagez mon ennui ; Sacrifiée à Dorflse adorée. Dans mon malheur je veux être ignorée ; Je ne veux pas qu’il connaisse en ce jour Quelle victime il immole à l’amour.

DARMIN.

Que veux-tu donc ?

ADINE.

Je veux, dès ce soir mémo. Dans un couvent fuir un ingrat que j’aimo.

DARMIN.

Lorsque si vite on se met en couvent, Tout à loisir, ma nièce, on s’en repent. Avec le temps tout se fera, te dis-je. Ln soin plus triste à présent nous afflige ; Car dans l’instant où ce Duguay * nouveau Si noblement fit sauter son vaisseau. Je vis sauter ses biens et ma fortune ; A tous les deux la misère est commune. Et cependant à Marseille arrivés. Remplis d’espoir, d’argent comptant privés. Il faut chercher un secours nécessaire. L’amour n’est pas toujours la seule affaire.

ADINE.

Quoi ! lorsqu’on aime, on pourrait faire mieux ? Je n’en crois rien.

DARMIN.

Le temps ouvre les yeux.

1. Allusion au célèbre Duguay-Trouin,

des grands hommes do mer qu’ait

eus la France. (Xote de Voltaire,)