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I

396 LA PRUDE.

DARMIN.

Ne rougis point, ma nièce, calme-toi : Car à la hôte avec nous embarquée, tue en homme, en jeune Turc masquée, . Tu ne pouvais, ma nièce, honnêtement Te dépêtrer de cet accoutrement. Prendre du sexe et l’habit et la mine Devant les yeux de vingt gardes-marine, Qui tous étaient plus dangereux pour toi Qu’un vieux bâcha n’ayant ni foi ni loi. Mais, par bonheur, tout s’arrange à merveille, Et nous voici débarqués dans Marseille, Loin des bâchas, et près de tes parents. Chez des Français, tous fort honnêtes gens.

ADINE,

Ah ! Blanford est honnête homme, sans doute ; Mais que de maux tant de vertu me coûte ! Fallait-il donc avec lui revenir ?

DARMIN.

Ton défunt père à lui devait t’unir ;

Et cet hymen, dans ta plus tendre enfance,

Fit autrefois sa plus douce espérance.

ADINE.

Qu’il se trompait !

DARMIN.

Blanford à tes beaux yeux Rendra justice en te connaissant mieux. Peut-il longtemps se coiffer d’une prude, Qui de tromper fait son unique étude ?

ADINE.

On la dit belle ; il l’aimera toujours ; Tl est constant.

DARMIN.

Bon ! qui l’est en amours ?

ADINE.

Je crains Dorfise.

DARMIN.

Elle est trop intrigante ; Sa pruderie est, dit-on, trop galante ; Son cœur est faux, ses propos médisants. Ne crains rien d’elle ; on ne trompe qu’un temps.