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274 ^ AVERTISSEMENT.

à héroïque, et dans lesquels on voit un mélange de l’opéra, de la comédie, et de la tragédie.

On n’a pu ni dû donner à ces trois genres toute leur étendue ; on s’est efforcé seulement de réunir les talents de tous les artistes qui se distinguent le plus, et Punique mérite de l’auteur a été de faire valoir celui des autres.

Il a choisi le lieu de la scène sur les frontières de la Castille, et il en a fixé l’époque sous le roi de France Charles V, prince juste, sage, et heureux, contre lequel les Anglais ne purent prévaloir, qui secourut la Castille, et qui lui donna un monarque.

Il est vrai que l’histoire n’a pu fournir de semblables allégories pour l’Espagne, car il*y régnait alors un prince cruel, à ce qu’on dits et sa femme n’était point une héroïne dont les enfants fussent des héros. Presque tout l’ouvrage est donc une fiction dans laquelle il a fallu s’assemr à introduire un peu de bouffonnerie au milieu des plus grands intérêts, et des fêtes au milieu de la guerre.

Ce divertissement a été exécuté le 23 février 1745, vers les six heures du soir. Le roi s’est placé au milieu de la salle, environné de la famille royale, des princes et princesses de son sang, et des dames de la cour, qui formaient un spectacle beaucoup plus beau que tous ceux qu’on pouvait leur donner.

Il eût été à désirer qu’un plus grand nombre de Français eût pu voir cette assemblée, tous les princes de cette maison qui est sur le trône longtemps avant les plus anciennes du monde, cette foule de dames parées de tous les ornements qui sont encore des chefs-d’œuvre du goût de la nation, et qui étaient effacés par elles ; enfin cette joie noble et décente qui occupait tous les cœurs, et qu’on lisait dans tous les yeux.

On est sorti du spectacle à neuf heures et demie, dans le même ordre qu’on était entré : alors on a trouvé toute la façade du palais et des écuries illuminée. La beauté de cette fête n’est qu’une faible image de la joie d’une nation qui voit réunir le sang de tant de princes auxquels elle doit son bonheur et sa gloire.

Sa Majesté, satisfaite de tous les soins qu’on a pris pour lui plaire, a ordonné que ce spectacle fût représenté encore une seconde fois.

1. Voltaire n ? partageait pas Topinion commune sur Pierre le Cruel. (B.)