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262 FRAGMENT DE THÉRÈSE.

DORIMAN, à part.

L^adorable créature ! que je voudrais être à la place de son maître 1

M. GRtPAUD.

Que dis-tu là 7 en I

DORIMAN.

)e dis qu’elle est bien heureuse, monsieur, d’appartenir à un tel maître.

M. GRIPAUD.

Oui, oui, elle sera heureuse. Mais dis, réponds donc, Thérèse ; parle-moi toujours, dis-moi comme tu fais pour avoir tant d’esprit. Est-ce parce que tu lis des romans et des comédies ? Parbleu ! je veux m’en faire lire. Que trouvés-tu dans ces romans, dans ces farces ? Dis, dis, parle, jase, dis donc.

THÉRÈSE.

M. Germon m’en a prêté quelques-uns dont les sentiments vertueux ont échauffé mon cœur, et dont les expressions me représentent toute la nature, plus belle cent fois que je ne l’avais vue auparavant. Il me prête aussi des comédies dans lesquelles je crois apprendre en une heure à connaître le monde plus que je n’aurais fait en quatre ans. Elles me font le même effet que ces petits instruments à plusieurs verres que j’ai vus chez monsieur le bailli, gui font distinguer dans les objets des choses et des nuances qu’on ne voyait pas avec ses simples yeux.

DORIMAN.

Oh, oui. Tu veux dire des microscopes, mademoiselle.

THÉRÈSE.

Oui, des microscopes, monsieur Doriman. Ces comédies, je l’avoue, m’ont instruite, éclairée, attendrie («o tournant vers M« Xubonnc),

et j’avoue, madame, que j’ai bien souhaité de vous suivre dans quelque voyage de Paris, pour y voir représenter ces pièces qui sont, je crois, l’école du monde et de la vertu.

MADAME AUBONNE.

Oui, ma chère Thérèse, je te mènerai à Paris, je te le promets.

M. GRIPAUD.

Ce sera moi qui l’y mènerai. J’irai voir ces farces-là avec elle ; mais je ne veux plus que M. Germon lui prête des livres. Je veux qu’on ne lui prête rien. Je lui donnerai tout.

MADAME AUBONNE.

Mon Dieu, que mon neveu devient honnête homme ! Moucher neveu, voilà le bon M. Germon qui vient dîner avec vous.