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ACTE I, SCÈNE V.

Mais plus je vous adore, et plus je dois rougir
De fuir avec Zulime, afin de la trahir.
Je suis bien malheureux, si votre jalousie
Joint ses poisons nouveaux aux horreurs de ma vie !
Entouré de forfaits et d’infidélités,
Je les commets pour vous, et vous seule en doutez.
Ah ! mon crime est trop vrai, trop affreux envers elle ;
Ce cœur est un perfide, et c’est pour vous, cruelle !

atide.

Non, il est généreux ; le mien n’est point jaloux :
La fraude et les soupçons ne sont point faits pour vous.
Zulime, en écoutant son amour malheureuse.
N’a point reçu de vous de promesse trompeuse.
Idamore a parlé : sûre de ses appas,
Elle a cru des discours que vous ne dictiez pas.
Eh ! peut-on s’étonner que vous ayez su plaire ?
Peut-on vous reprocher ce charme involontaire
Qui vous soumit un cœur prompt à se désarmer ?
Ah ! le mien m’est témoin que l’on doit vous aimer.

RAMIRE.

Eh ! pourquoi, profanant de si saintes tendresses.
De Zulime abusée enhardir les faiblesses ?
Pourquoi, déshonorant votre amant, votre époux.
Promettre à d’autres yeux un cœur qui n’est qu’à vous ?,
Dans quel piège Idamore a conduit l’innocence !
Des bienfaits de Zulime affreuse récompense !
Ah I cruelle, à quel prix le jour m’est conservé I

ATIDE.

Eh bien ! punissez-moi de vous avoir sauvé.
Idamore, il est vrai, n’est pas le seul coupable.
J’ai parlé comme lui ; comme lui condamnable.
J’engageai trop Ramire, et sans le consulter.
Je n’y survivrai pas, vous n’en pouvez douter.
Je sens qu’à vos vertus je faisais trop d’injure ;
Je vous épargnerai la honte d’un parjure :
Vivez, il me suffit… Ciel ! quel tumulte affreux !

RAMIRE.

Il m’annonce un combat moins grand, moins douloureux ;
Le ciel m’y peut au moins accorder quelque gloire ;
J’y vole…

ATIDE. <poem> Je vous suis ; la chute ou la victoire.