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ZULIME.


Scène V.

RAMIRE, ATIDE.
atide.

Vous n’irez point sans moi : non, cruel que vous êtes,
Je ne souffrirai point vos fureurs indiscrètes.
Cher objet de ma crainte, arbitre de mon sort.
Cher époux, commencez par me donner la mort.
Au nom des nœuds secrets qu’à son heure dernière
De ses mourantes mains vient de former mon père,
De ces nœuds dangereux dont nous avons promis
De dérober l’étreinte à des yeux ennemis.
Songez aux droits sacrés que j’ai sur votre vie ;
Songez qu’elle est à moi, qu’elle est à la patrie ;
Que Valence dans vous redemande un vengeur.
Allez la délivrer de l’Arabe oppresseur ;
Quittez, sans plus tarder, cette rive fatale ;
Partez, vivez, régnez, fût-ce avec ma rivale[1].

ramire.

Non, désormais ma vie est un tissu d’horreurs ;
Je rougis de moi-même, et surtout de vos pleurs.
Je suis né vertueux, j’ai voulu toujours l’être I
Voulez-vous me changer ? chéririez-vous un traître ?
J’ai subi l’esclavage et son poids rigoureux ;
Le fardeau de la feinte est cent fois plus affreux.
J’ai connu tous les maux, la vertu les surmonte ;
Mais quel cœur généreux peut supporter la honte ?
Quel supplice effroyable alors qu’il faut tromper,
Et que tout mon secret est prêt à m’échapper !

atide.

Eh bien ! allez, parlez, armez sa jalousie,
J’y consens ; mais, cruel, n’exposez que ma vie ;
N’immolez que l’objet pour qui vous rougissez.
Qui vous forçait à feindre, et que vous haïssez.

ramire.

Je vous adore, Atide, et l’amour qui m’enflamme
Ferme à tout autre objet tout accès dans mon âme :

  1. Lamotte avait dit dans Inès, acte III, scène vii :
    Fuyez, vous dis-je encor, fût-ce avec ma rivale.