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Et quel est donc ce sang qu'a versé mon erreur ?
Quel nouvel intérêt vous parle en sa faveur ?

Mérope

Quel intérêt ? Barbare !

Égisthe

Hélas ! Sur son visage
J'entrevois de la mort la douloureuse image :
Que j'en suis attendri ! J'aurais voulu cent fois
Racheter de mon sang l'état où je la vois.

Mérope  

Le cruel ! à quel point on l'instruisit à feindre !
Il m'arrache la vie, et semble encor me plaindre !
Elle se jette dans les bras d'Isménie.

Euryclès

Madame, vengez-vous, et vengez à la fois
Les lois, et la nature, et le sang de nos rois.

Égisthe

À la cour de ces rois telle est donc la justice ! 
On m'accueille, on me flatte ; on résout mon supplice !
Quel destin m'arrachait à mes tristes forêts ?
Vieillard infortuné, quels seront vos regrets ?
Mère trop malheureuse, et dont la voix si chère
M'avait prédit...

Mérope

Barbare ! Il te reste une mère[1] !  
Je serais mère encor sans toi, sans ta fureur.
Tu m'as ravi mon fils.

Égisthe

Si tel est mon malheur,
S'il était votre fils, je suis trop condamnable.
Mon coeur est innocent, mais ma main est coupable.
Que je suis malheureux ! Le ciel sait qu'aujourd'hui  
J'aurais donné ma vie et pour vous et pour lui.

Mérope

Quoi, traître ! Quand ta main lui ravit cette armure...

Égisthe

Elle est à moi.

  1. Ce beau mouvement est imité de Maffei. (K.) — Dans la pièce de Maffei (acte III, scène IV), Mérope s’écrie : « Barbare, j’étais mère aussi, et c’est par toi seul que je cesse de l'être ! » (B.)