Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/198

Cette page n’a pas encore été corrigée
194
AVERTISSEMENT.

494 LETTRE DE M. DE LA LINDELLE.

a un assaut de fièvre : et moi, monsieur, je vous dis hardiment, au nom de tous les connaisseurs, qu’un tel dialogue et une telle réponse ne sont dignes que du théâtre d’Arlequin.

8° J’ajouterai encore que, quand la reine, croyant son fils mort, dit qu’elle veut arracher le cœur au meurtrier, et le déchirer avec les dents, elle parle en cannibale plus encore qu’en mère affligée, et qu’il faut de la décence partout.

9° Égisthe, qui a été annoncé comme un voleur, et qui a dit qu’on l’avait voulu voler lui-même, est encore pris pour un voleur une seconde fois ; il est mené devant la reine malgré le roi, qui pourtant prend sa défense. La reine le lie à une colonne, le veut tuer avec un dard, et, avaut de le tuer, elle l’interroge. Égisthe lui dit que son père est un vieillard ; et, à ce mot de vieillard, la reine s’attendrit. Ne voilà-t-il pas une bonne raison de changer d’avis, et de soupçonner qu’Égisthe pourrait bien être son fils ? ne voilà-t-il pas un indice bien marqué ? Est-il donc si étrange qu’un jeune homme ait un père âgé ? Maffei a substitué cette faute et ce manque d’art et de génie à une autre faute plus grossière qu’il avait faite dans la première édition. Égisthe disait à la veine : Ah ! Polydore, mon père ! Et ce "Polydore était en efi’et l’homme à qui Mérope avait confié Égisthe. Au nom de Polydore, la reine ne devait plus douter qu’Égisthe ne fût son fils ; la pièce était finie. Ce défaut a été ôté ; mais on y a substitué un défaut encore plus grand.

10° Quand la reine est ridiculement et sans raison en suspens sur ce mot de vieillard, arrive le tyran, qui prend Égisthe sous sa protection. Le jeune homme, qu’on devrait représenter comme un héros, remercie le roi de lui avoir donné la vie, et le remercie avec un avilissement et une bassesse qui fait mal au cœur, et qui dégrade entièrement Égisthe.

11° Ensuite Mérope et le tyran passent leur temps ensemble. Mérope évapore sa colère en injures qui ne finissent point. Rien n’est plus froid que ces scènes de déclamation qui manquent do nœud, d’embarras, de passion contrastée : ce sont des scènes d’écolier. Toute scène qui n’est pas une espèce d’action est inutile.

12° Il y a si peu d’art dans cette pièce, que l’auteur est toujours forcé d’employer des confidentes et des confidents pour remplir son théâtre. Le quatrième acte commence encore par une scène froide et inutile entre le tyran et la suivante : ensuite cette suivante rencontre le jeune Égisthe, je ne sais comment, et lui persuade de se reposer dans le vestibule, afin que, quand il sera endormi, la reine puisse le tuer tout à son aise. En effet, il s’en-