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AVERTISSEMENT.

LETTRE à M. DE VOLTAIRE. 493

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ait jamais été au théâtre ; il est fort au-dessus de celui û^Âthalie, en ce que la reine Athalie ne veut pas assassiner le petit Joas, et qu’elle est trompée par le grand-prêtre qui veut venger sur elle des crimes passés ; au lieu que, dans la Mérope, c’est une mère qui, en vengeant son fils, est sur le point d’assassiner ce ûls même, son amour et son espéran^ce. L’intérêt de Mérope est tout autrement touchant que celui de la tragédie d’Âthalie : mais il paraît que M. Maflfei s’est contenté de ce que présente naturellement son sujet, et qu’il n’y a mis aucun art théâtral.

1° Les scènes souvent ne sont point liées, et le théâtre se trouve vide ; défaut qui ne se pardonne pas aujourd’hui aux moindres poëtes.

2° Les acteurs arrivent et partent souvent sans raison ; défaut non moins essentiel.

3* Nulle vraisemblance, nulle dignité, nulle bienséance, nul art dans le dialogue, et cela dès la première scène, où l’on voit un tyran raisonner paisiblement avec Mérope, dont il a égorgé le mari et les enfants, et lui parler d’amour : cela serait sifflé à Paris par les moins connaisseurs.

4« Tandis que le tyran parle d’amour si ridiculement à cette vieille reine, on annonce qu’on a trouvé un jeune homme coupable d’un meurtre : mais on ne sait point, dans le cours de la pièce, qui ce jeune homme a tué. Il prétend que c’est un voleur qui voulait lui prendre ses habits. Quelle petitesse ! quelle bassesse

! quelle stérilité I Cela ne serait pas supportable dans une

farce de la Foire.

5* » Le barigel, ou le capitaine des gardes, ou le grand prévôt, il n’importe, interroge le meurtrier, qui porte au doigt un bel anneau ; ce qui fait une scène du plus bas comique, laquelle est écrite d’une manière digne de la scène.

6° La mère s’imagine d’abord que le voleur qui a été tué est son fils. Il est pardonnable à une mère de tout craindre, mais il fallait à une reine mère d’autres indices un peu plus nobles.

7® Au milieu de ces craintes, le tyran Polyphojite raisonne de son prétendu amour avec la suivante de Mérope. Ces scènes froides et indécentes, qui ne sont imaginées que pour remplir un acte, ne seraient pas souffertes sur un théâtre tragique régulier. Vous vous êtes contenté, monsieur, de remarquer modestement une de ces scènes, dans laquelle la suivante de Mérope prie le tyran de ne pas presser les noces’, parce que, dit-elle, sa maîtresse

1. Voyez pages 186-187.

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