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AVERTISSEMENT.

488 à M. SCIPION MAFFEI.

De ces apprêts d’hymen, et de ces sacrifices. Je me souviens encor de cette pompe auguste, Qui jadis en ces lieux marqua les premiers jours Du règne de Cresphonte. Ah ! le grand appareil ! Il n’est plus aujourd’hui de semblables spectacles. Plus de cent animaux y furent immolés ; Tous les prêtres brillaient ; et les yeux éblouis Voyaient l’argent et l’or partout étinceler.

Acte y, scène v.

Tous ces traits sont naïfs, tout y est convenable à ceux que vous introduisez sur la scène, et aux mœurs que vous leur donnez. Ces familiarités naturelles eussent été, à ce que je crois, bien reçues dans Athènes ; mais Paris et notre parterre veulent une autre espèce de simplicité. Notre ville pourrait môme se vanter d’avoir un goût plus cultivé qu’on ne Tavait dans Athènes : car enfin il me semble qu’on ne représentait d’ordinaire despiècesde théâtre, dans cette première ville de la Grèce, que dans quatre fêtes solennelles, et Paris a plus d’un spectacle tous les jours de Tannée. On ne comptait dans Athènes que. dix mille citoyens, et notre ville est peuplée de près de huit cent mille habitants, parmi lesquels je crois qu’on peut compter trente mille juges des ouvrages dramatiques, et qui jugent presque tous les jours.

Vous avez pu, dans votre tragédie, traduire cette élégante et simple comparaison de Virgile {Georg, IV, 511) :

Qualis populea mœrens Philomela sub umbra Amissos queritur fœtus.

«

Si je prenais une telle liberté, on me renverrait au poème épique : tant nous avons affaire à un maître dur, qui est le public.

Nescis, heu ! nescis domina ; fastidia Romœ... Et pueri nasum rhinocerotis habent.

MAkTIAL, I, IV.

Les Anglais ont la coutume de finir presque tous leurs actes par une comparaison ; mais nous exigeons, dans une tragédie, que ce soient les héros qui parlent, et non le poëte : et notre public pense que, dans une grande crise d’affaires, dans un conseil, dans une passion violente, dans un danger pressant, les princes, les ministres, ne font point de comparaisons poétiques.