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D’où vient que tout mon sang malgré moi se soulève ?
Si le ciel veut un meurtre, est-ce à moi d’en juger ?
Est-ce à moi de m’en plaindre, et de l’interroger ?
J’obéis. D’où vient donc que le remords m’accable ?
Ah ! quel cœur sait jamais s’il est juste ou coupable ?
Je me trompe, ou les coups sont portés cette fois ;
J’entends les cris plaintifs d’une mourante voix.
Séide… hélas !…

Séide, revient d’un air égaré.

Séide… hélas !…Où suis-je ? et quelle voix m’appelle ?
Je ne vois point Palmire ; un dieu m’a privé d’elle.

Palmire.

Eh quoi ! méconnais-tu celle qui vit pour toi ?

Séide.

Où sommes-nous ?

Palmire.

Où sommes-nous ?Eh bien ! cette effroyable loi,
Cette triste promesse est-elle enfin remplie ?

Séide.

Que me dis-tu ?

Palmire.

Que me dis-tu ?Zopire a-t-il perdu la vie ?

Séide.

Qui ? Zopire ?

Palmire.

Qui ? Zopire ?Ah ! grand Dieu ! Dieu de sang altéré,
Ne persécutez point son esprit égaré.
Fuyons d’ici.

Séide.

Fuyons d’ici.Je sens que mes genoux s’affaissent.

(Il s’assied.)

Ah ! je revois le jour, et mes forces renaissent.
Quoi ! c’est vous ?

Palmire.

Quoi ! c’est vous ?Qu’as-tu fait ?

Séide, se relevant.

Quoi ! c’est vous ? Qu’as-tu fait ?Moi ! je viens d’obéir…
D’un bras désespéré je viens de le saisir.
Par ses cheveux blanchis j’ai traîné ma victime.
Ô ciel ! tu l’as voulu ! peux-tu vouloir un crime ?
Tremblant, saisi d’effroi, j’ai plongé dans son flanc
Ce glaive consacré qui dut verser son sang.