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Séide, seul.

À tout ce qu’ils m’ont dit je n’ai rien à répondre.
Un mot de Mahomet suffit pour me confondre.
Mais quand il m’accablait de cette sainte horreur,
La persuasion n’a point rempli mon cœur.
Si le ciel a parlé, j’obéirai sans doute ;
Mais quelle obéissance ! ô ciel ! et qu’il en coûte !


Scène III.

SÉIDE, PALMIRE.
Séide.

Palmire, que veux-tu ? Quel funeste transport !
Qui t’amène en ces lieux consacrés à la mort ?

Palmire.

Séide, la frayeur et l’amour sont mes guides ;
Mes pleurs baignent tes mains saintement homicides[1].
Quel sacrifice horrible, hélas ! faut-il offrir ?
À Mahomet, à Dieu, tu vas donc obéir ?

Séide.

Ô de mes sentiments souveraine adorée !
Parlez, déterminez ma fureur égarée ;
Éclairez mon esprit, et conduisez mon bras ;
Tenez-moi lieu d’un dieu que je ne comprends pas.
Pourquoi m’a-t-il choisi ? Ce terrible prophète
D’un ordre irrévocable est-il donc l’interprète !

Palmire.

Tremblons d’examiner. Mahomet voit nos cœurs,
Il entend nos soupirs, il observe mes pleurs.
Chacun redoute en lui la divinité même,
C’est tout ce que je sais ; le doute est un blasphème :
Et le dieu qu’il annonce avec tant de hauteur,
Séide, est le vrai dieu, puisqu’il le rend vainqueur.

Séide.

Il l’est, puisque Palmire et le croit et l’adore.
Mais mon esprit confus ne conçoit point encore
Comment ce dieu si bon, ce père des humains,

  1. Voyez la note de la page 138.