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Zopire.

Eh quoi ! Tout factieux qui pense avec courage
Doit donner aux mortels un nouvel esclavage ?
Il a droit de tromper, s’il trompe avec grandeur ?

Mahomet.

Oui ; je connais ton peuple, il a besoin d’erreur ;
Ou véritable ou faux, mon culte est nécessaire.
Que t’ont produit tes dieux ? Quel bien t’ont-ils pu faire ?
Quels lauriers vois-tu croître au pied de leurs autels ?
Ta secte obscure et basse avilit les mortels,
Énerve le courage, et rend l’homme stupide ;
La mienne élève l’âme, et la rend intrépide :
Ma loi fait des héros.

Zopire.

Ma loi fait des héros.Dis plutôt des brigands.
Porte ailleurs tes leçons, l’école des tyrans ;
Va vanter l’imposture à Médine où tu règnes,
Où tes maîtres séduits marchent sous tes enseignes,
Où tu vois tes égaux à tes pieds abattus.

Mahomet.

Des égaux ! Dès longtemps Mahomet n’en a plus.
Je fais trembler la Mecque, et je règne à Médine ;
Crois-moi, reçois la paix, si tu crains ta ruine.

Zopire.

La paix est dans ta bouche, et ton cœur en est loin :
Penses-tu me tromper ?

Mahomet.

Penses-tu me tromper ?Je n’en ai pas besoin.
C’est le faible qui trompe, et le puissant commande.
Demain j’ordonnerai ce que je te demande ;
Demain je puis te voir à mon joug asservi :
Aujourd’hui Mahomet veut être ton ami.

Zopire.

Nous amis ! nous, cruel ! ah ! quel nouveau prestige !
Connais-tu quelque dieu qui fasse un tel prodige ?

Mahomet.

J’en connais un puissant, et toujours écouté,
Qui te parle avec moi.

Zopire.

Qui te parle avec moi.Qui ?

Mahomet.

Qui te parle avec moi. Qui ?La nécessité,