Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Palmire.

Séide, au moment même, avant que ta présence
Vînt de mon désespoir calmer la violence,
Je me jetais aux pieds de mon fier ravisseur.
Vous voyez, ai-je dit, les secrets de mon cœur :
Ma vie est dans les camps dont vous m’avez tirée ;
Rendez-moi le seul bien dont je suis séparée.
Mes pleurs, en lui parlant, ont arrosé ses pieds ;
Ses refus ont saisi mes esprits effrayés.
J’ai senti dans mes yeux la lumière obscurcie :
Mon cœur, sans mouvement, sans chaleur, et sans vie,
D’aucune ombre d’espoir n’était plus secouru ;
Tout finissait pour moi, quand Séide a paru.

Séide.

Quel est donc ce mortel insensible à tes larmes ?

Palmire.

C’est Zopire : il semblait touché de mes alarmes ;
Mais le cruel enfin vient de me déclarer
Que des lieux où je suis rien ne peut me tirer.

Séide.

Le barbare se trompe ; et Mahomet mon maître,
Et l’invincible Omar, et moi-même peut-être
(Car j’ose me nommer après ces noms fameux,
Pardonne à ton amant cet espoir orgueilleux),
Nous briserons ta chaîne, et tarirons tes larmes.
Le dieu de Mahomet, protecteur de nos armes,
Le dieu dont j’ai porté les sacrés étendards,
Le dieu qui de Médine a détruit les remparts,
Renversera la Mecque à nos pieds abattue.
Omar est dans la ville, et le peuple à sa vue
N’a point fait éclater ce trouble et cette horreur
Qu’inspire aux ennemis un ennemi vainqueur ;
Au nom de Mahomet un grand dessein l’amène.

Palmire.

Mahomet nous chérit ; il briserait ma chaîne ;
Il unirait nos cœurs ; nos cœurs lui sont offerts :
Mais il est loin de nous, et nous sommes aux fers.