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y a des maximes, dit Pococurante, dont un homme du monde peut faire son profit, et qui, étant resserrées dans des vers énergiques, se gravent plus aisément dans la mémoire : mais je me soucie fort peu de son voyage à Brindes, et de sa description d’un mauvais dîner, et de la querelle de crocheteurs entre je ne sais quel Pupilus[[1] dont les paroles, dit-il, étaient pleines de pus, et un autre dont les paroles étaient du vinaigre[2]. Je n’ai lu qu’avec un extrême dégoût ses vers grossiers contre des vieilles et contre des sorcières ; et je ne vois pas quel mérite il peut y avoir à dire à son ami Mecenas que, s’il est mis par lui au rang des poètes lyriques, il frappera les astres de son front sublime[3]. Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Je ne lis que pour moi ; je n’aime que ce qui est à mon usage. Candide, qui avait été élevé à ne jamais juger de rien par lui-même, était fort étonné de ce qu’il entendait ; et Martin trouvait la façon de penser de Pococurante assez raisonnable.

Oh ! voici un Cicéron, dit Candide : pour ce grand homme-là, je pense que vous ne vous lassez point de le lire. Je ne le lis jamais, répondit le Vénitien. Que m’importe qu’il ait plaidé pour Rabirius ou pour Cluentius ? J’ai bien assez des procès que je juge ; je me serais mieux accommodé de ses œuvres philosophiques ; mais quand j’ai vu qu’il doutait de tout,

  1. Ce n’est pas Pupilus, mais Rupilius, que nomme Horace, livre Ier, satire VII, vers I :
    Rupili pus atque venenum. B.
  2. Italo perfusus aceto, dit Horace, dans la même pièce, vers 32. B.
  3. Horace, odes, I, I. B.