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confusion, qui furent obscurcis de quelques larmes. A peine fut-elle entrée dans la chambre de Candide, qu’elle lui dit : Eh quoi ! monsieur Candide ne reconnaît plus Paquette ! A ces mots Candide, qui ne l’avait pas considérée jusque-là avec attention, parce qu’il n’était occupé que de Cunégonde, lui dit : Hélas ! ma pauvre enfant, c’est donc vous qui avez mis le docteur Pangloss dans le bel état où je l’ai vu ?

Hélas ! monsieur, c’est moi-même, dit Paquette ; je vois que vous êtes instruit de tout. J’ai su les malheurs épouvantables arrivés à toute la maison de madame la baronne et à la belle Cunégonde. Je vous jure que ma destinée n’a guère été moins triste. J’étais fort innocente quand vous m’avez vue. Un cordelier, qui était mon confesseur, me séduisit aisément. Les suites en furent affreuses ; je fus obligée de sortir du château quelque temps après que M. le baron vous eut renvoyé à grands coups de pied dans le derrière. Si un fameux médecin n’avait pas pris pitié de moi, j’étais morte. Je fus quelque temps par reconnaissance la maîtresse de ce médecin. Sa femme, qui était jalouse à la rage, me battait tous les jours impitoyablement ; c’était une furie. Ce médecin était le plus laid de tous les hommes, et moi la plus malheureuse de toutes les créatures d’être battue continuellement pour un homme que je n’aimais pas. Vous savez, monsieur, combien il est dangereux pour une femme acariâtre d’être l’épouse d’un médecin. Celui-ci, outré des procédés de sa femme, lui donna un jour, pour la guérir d’un petit rhume, une médecine si efficace, qu’elle en mourut en deux heures de temps dans des convulsions