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grand-inquisiteur. La prudente vieille vit dans l’instant tout ce qui était à faire. Vous ne pouvez fuir, dit-elle à Cunégonde, et vous n’avez rien à craindre ; ce n’est pas vous qui avez tué monseigneur, et d’ailleurs le gouverneur, qui vous aime, ne souffrira pas qu’on vous maltraite ; demeurez. Elle court sur-le-champ à Candide : Fuyez, dit-elle, ou dans une heure vous allez être brûlé. Il n’y avait pas un moment à perdre ; mais comment se séparer de Cunégonde, et où se réfugier ?


Comment Candide et Cacambo furent reçus chez les jésuites du Paraguai.


Candide avait amené de Cadix un valet tel qu’on en trouve beaucoup sur les côtes d’Espagne et dans les colonies. C’était un quart d’Espagnol, né d’un métis dans le Tucuman ; il avait été enfant de chœur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat, laquais. Il s’appelait Cacambo, et aimait fort son maître, parceque son maître était un fort bon homme. Il sella au plus vite les deux chevaux andalous. Allons, mon maître, suivons le conseil de la vieille, partons, et courons sans regarder derrière nous. Candide versa des larmes : O ma chère Cunégonde ! faut-il vous abandonner dans le temps que monsieur le gouverneur va faire nos noces ! Cunégonde amenée de si loin, que deviendrez-vous ? Elle deviendra ce qu’elle pourra,