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pour se frotter, lui laissa à manger et à boire ; elle lui montra un petit lit assez propre ; il y avait auprès du lit un habit complet. Mangez, buvez, dormez, lui dit-elle, et que Notre-Dame d’Atocha[1], monseigneur saint Antoine de Padoue, et monseigneur saint Jacques de Compostelle prennent soin de vous ! je reviendrai demain. Candide, toujours étonné de tout ce qu’il avait vu, de tout ce qu’il avait souffert, et encore plus de la charité de la vieille, voulut lui baiser la main. Ce n’est pas ma main qu’il faut baiser, dit la vieille ; je reviendrai demain. Frottez-vous de pommade, mangez et dormez.

Candide, malgré tant de malheurs, mangea et dormit. Le lendemain la vieille lui apporte à déjeuner, visite son dos, le frotte elle-même d’une autre pommade : elle lui apporte ensuite à dîner : elle revient sur le soir et apporte à souper. Le surlendemain elle fit encore les mêmes cérémonies. Qui êtes-vous ? lui disait toujours Candide ; qui vous a inspiré tant de bonté ? quelles grâces puis-je vous rendre ? La bonne femme ne répondait jamais rien. Elle revint sur le soir, et n’apporta point à souper : Venez avec moi, dit-elle, et ne dites mot. Elle le prend sous le bras, et marche avec lui dans la campagne environ un quart de mille : ils arrivent à une maison isolée, entourée de jardins et de canaux. La vieille frappe à une petite porte. On ouvre ; elle mène Candide, par un escalier dérobé, dans un cabinet doré, le laisse sur un canapé

  1. Sur Notre-Dame d’Atocha, voyez dans les _Mélanges_, année 1769, une des notes de Voltaire sur son _Extrait d’un journal_ (ou Mémoires de Dangeau). B.