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diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d’une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu’on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n’avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable.

Candide épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même : Si c’est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? passe encore si je n’étais que fessé, je l’ai été chez les Bulgares ; mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre, sans que je sache pourquoi ! ô mon cher anabaptiste ! le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été noyé dans le port ! ô mademoiselle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu’on vous ait fendu le ventre !

Il s’en retournait, se soutenant à peine, prêché, fessé, absous, et béni, lorsqu’une vieille l’aborda, et lui dit : Mon fils, prenez courage, suivez-moi.


Comment une vieille prit soin de Candide, et comment il retrouva ce qu’il aimait.


Candide ne prit point courage, mais il suivit la vieille dans une masure : elle lui donna un pot de pommade