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raison suffisante de ce phénomène ? disait Pangloss. Voici le dernier jour du monde ! s’écriait Candide. Le matelot court incontinent au milieu des débris, affronte la mort pour trouver de l’argent, en trouve, s’en empare, s’enivre, et ayant cuvé son vin, achète les faveurs de la première fille de bonne volonté qu’il rencontre sur les ruines des maisons détruites, et au milieu des mourants et des morts. Pangloss le tirait cependant par la manche : Mon ami, lui disait-il, cela n’est pas bien, vous manquez à la raison universelle, vous prenez mal votre temps. Tête et sang, répondit l’autre, je suis matelot et né à Batavia ; j’ai marché quatre fois sur le crucifix dans quatre voyages au Japon[1] ; tu as bien trouvé ton homme avec ta raison universelle !

Quelques éclats de pierre avaient blessé Candide ; il était étendu dans la rue et couvert de débris. Il disait à Pangloss : Hélas ! procure-moi un peu de vin et d’huile ; je me meurs. Ce tremblement de terre n’est pas une chose nouvelle, répondit Pangloss ; la ville de Lima éprouva les mêmes secousses en Amérique l’année passée ; mêmes causes, mêmes effets ; il y a certainement une traînée de soufre sous terre depuis Lima jusqu’à Lisbonne. Rien n’est plus probable, dit Candide ; mais, pour Dieu, un peu d’huile et de vin. Comment probable ? répliqua le philosophe, je soutiens que la chose est démontrée. Candide perdit connaissance, et Pangloss lui apporta un peu d’eau d’une fontaine voisine.

Le lendemain, ayant trouvé quelques provisions

  1. Voyez tome XVIII, page 470. B.