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qui lui répondirent tous que, s’il continuait à faire ce métier, on l’enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre à vivre.

Il s’adressa ensuite à un homme qui venait de parler tout seul une heure de suite sur la charité dans une grande assemblée. Cet orateur le regardant de travers lui dit : Que venez-vous faire ici ? y êtes-vous pour la bonne cause ? Il n’y a point d’effet sans cause, répondit modestement Candide ; tout est enchaîné nécessairement et arrangé pour le mieux. Il a fallu que je fusse chassé d’auprès de mademoiselle Cunégonde, que j’aie passé par les baguettes, et il faut que je demande mon pain, jusqu’à ce que je puisse en gagner ; tout cela ne pouvait être autrement. Mon ami, lui dit l’orateur, croyez-vous que le pape soit l’antechrist ? Je ne l’avais pas encore entendu dire, répondit Candide : mais qu’il le soit, ou qu’il ne le soit pas, je manque de pain. Tu ne mérites pas d’en manger, dit l’autre : va, coquin, va, misérable, ne m’approche de ta vie. La femme de l’orateur ayant mis la tête à la fenêtre, et avisant un homme qui doutait que le pape fût antechrist, lui répandit sur le chef un plein….. O ciel ! à quel excès se porte le zèle de la religion dans les dames !

Un homme qui n’avait point été baptisé, un bon anabaptiste, nommé Jacques, vit la manière cruelle et ignominieuse dont on traitait ainsi un de ses frères, un être à deux pieds sans plumes, qui avait une âme ; il l’amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de la bière, lui fit présent de deux florins, et voulut même lui apprendre à travailler dans ses manufactures