l’esclavage des individus prépara l’esclavage des nations. Parce que le chef de famille put exercer une autorité absolue dans sa maison, il ne prit pour règle de sa conduite que ses goûts et ses affections : il donna ou ôta ses biens sans égalité, sans justice, et le despotisme paternel jeta les fondemens du despotisme politique.
Et dans les sociétés formées sur ces bases, le tems
et le travail ayant développé les richesses, la
cupidité, gênée par les lois, devint plus
artificieuse sans être moins active. Sous des
apparences d’union et de paix civile, elle
fomenta, au sein de chaque état, une guerre
intestine, dans laquelle les citoyens, divisés en
corps opposés d’ordres, de classes, de familles,
tendirent éternellement à s’approprier, sous le nom de
pouvoir suprême, la faculté de tout dépouiller
et de tout asservir, au gré de leurs passions :
et c’est cet esprit d’invasion qui, déguisé sous
toutes les formes, mais toujours le même dans
son but et dans ses mobiles, n’a cessé de
tourmenter les nations.
Tantôt s’opposant au pacte social, ou rompant celui
qui déjà existait, il livra les habitans d’un pays
au choc tumultueux de toutes leurs discordes ; et
les états dissous furent, sous le nom
d’anarchie, tourmentés par les passions de
tous leurs membres.
Tantôt un peuple jaloux de sa liberté, ayant
préposé des agens pour administrer, ces agens
s’approprièrent les pouvoirs dont ils n’étaient
que les