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ses passions qui, sous mille formes, tourmentent les individus et les peuples, ou sont-ce les passions des hommes ? Et si dans l’angoisse de leurs maux ils n’en voient pas les remèdes, est-ce l’ignorance de Dieu qu’il en faut inculper, ou leur ignorance ? Cessez donc, ô mortels, d’accuser la fatalité du sort ou les jugemens de la divinité ! Si Dieu est bon, sera-t-il l’auteur de votre supplice ? S’il est juste, sera-t-il le complice de vos forfaits ? Non, non, la bizarrerie dont l’homme se plaint n’est point la bizarrerie du destin ; l’obscurité où sa raison s’égare n’est point l’obscurité de Dieu ; la source de ses calamités n’est point reculée dans les cieux ; elle est près de lui sur la terre : elle n’est point cachée au sein de la divinité ; elle réside dans l’homme même, il la porte en son cœur. Tu murmures, et tu dis : comment des peuples infidèles ont-ils joui des bienfaits des cieux et de la terre ? Comment des races saintes sont-elles moins fortunées que des peuples impies ? Homme fasciné ! Où est donc la contradiction qui te scandalise ? Où est l’énigme que tu supposes à la justice des cieux ? Je remets à toi-même la balance des graces et des peines, des causes et des effets. Dis : quand ces infidèles observaient les lois des cieux et de la terre, quand ils réglaient d’intelligens travaux sur l’ordre des saisons et la course des astres, Dieu devait-il troubler l’équilibre du monde pour tromper leur prudence ? Quand leurs mains cultivaient ces campagnes