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Ainsi livré à ma rêverie, sans cesse de nouvelles réflexions se présentaient à mon esprit. Tout, continuai-je, égare mon jugement, et jette mon coeur dans le trouble et l’incertitude. Quand ces contrées jouissaient de ce qui compose la gloire et le bonheur des hommes, c’étaient des peuples infidèles qui les habitaient ; c’était le phénicien sacrificateur homicide de Molok, qui rassemblait dans ses murs les richesses de tous les climats ; c’était le kaldéen prosterné devant un serpent qui subjuguait d’opulentes cités, et dépouillait les palais des rois et les temples des dieux ; c’était le perse adorateur du feu qui recueillait les tributs de cent nations ; c’étaient les habitans de cette ville même, adorateurs du soleil et des astres, qui élevaient tant de monumens de prospérité et de luxe… troupeaux nombreux, champs fertiles, moissons abondantes, tout ce qui devrait être le prix de la piété, était aux mains de ces idolâtres : et maintenant que des peuples croyans et saints occupent ces campagnes, ce n’est plus que solitude et stérilité. La terre, sous ces mains bénites, ne produit que des ronces et des absynthes. L’homme sème dans l’angoisse, et ne recueille que des larmes et des soucis ; la guerre, la famine, la peste l’assaillent tour à tour… cependant ne sont-ce pas là les enfans des prophêtes ? Ce musulman, ce chrétien, ce juif, ne sont-ils pas les peuples élus du ciel, comblés de graces et de