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é devant Dieu, le pardon, l’oubli


des injures, la répression de toutes les passions, le mépris des grandeurs mondaines ; en un mot, une vie toute sainte et toute spirituelle. Nous admirons, répliquèrent les musulmans, comment vous savez allier cette charité, cette douceur évangélique, dont vous faites tant d’ostentation, avec les injures et les outrages dont vous blessez sans cesse votre prochain. Quand vous inculpez si gravement les mœurs du grand homme que nous révérons, nous pourrions trouver des représailles dans la conduite de celui que vous adorez ; mais dédaignant de tels moyens, et nous bornant au véritable objet de la question, nous soutenons que votre morale évangélique n’a point la perfection que vous lui attribuez ; qu’il n’est point vrai qu’elle ait introduit dans le monde des vertus inconnues, nouvelles : et, par exemple, cette égalité des hommes devant Dieu, cette fraternité et cette bienveillance qui en sont la suite, étaient des dogmes formels de la secte des hermétiques ou samanéens, dont vous descendez. Et quant au pardon des injures, les païens mêmes l’avaient


enseigné ; mais, dans l’extension que vous lui donnez, loin d’être une vertu, il devient une immoralité, un vice. Votre précepte si vanté de tendre une joue après l’autre, n’est pas seulement contraire à tous les sentimens de l’homme, il est encore opposé à toute idée de justice ; il enhardit les méchans par l’impunité ; il avilit les bons par la servitude ; il livre le monde au désordre, à la