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répondirent : « Élevez un étendard distinctif autour duquel se rassemblent tous ceux qui, par d’utiles travaux, entretiennent et nourrissent la société, et vous connaîtrez l’ennemi qui vous ronge. »

Et, l’étendard ayant été levé, cette nation se trouva tout à coup partagée en deux corps inégaux, et d’un aspect contrastant : l’un, innombrable et presque total, offrait dans la pauvreté générale des vêtemens et l’air maigre et hâlé des visages, les indices de la misère et du travail ; l’autre, petit groupe, fraction insensible, présentait, dans la richesse des habits chamarrés d’or et d’argent, et dans l’embonpoint des visages, les symptômes du loisir et de l’abondance.

Et, considérant ces hommes plus attentivement, je reconnus que le grand corps était composé de laboureurs, d’artisans, de marchands, de toutes les professions laborieuses et stndieuses utiles à la société, et que dans le petit groupe il ne se trouvait que des ministres du culte de tout grade ( moines et prêtres), que des gens de finance, d’armoirie, de livrée, des chefs mili- taires et autres salariés du gouvernement.

Et ces deux corps en présence, front à front, s’étant considérés avec étonnement, je vis, d’un côté, naître la colère et l’indignation ; de l’autre, un mouvement d’effroi ; et le grand corps dit au plus petit :

« Pourquoi êtes-vous séparés de nous ? N’êtes- vous donc pas de notre nombre ?