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et d’instruction. Jeune homme, crois-en la voix des tombeaux et le témoignage des monumens : des contrées, sans doute, ont déchu de ce qu’elles furent à certaines époques ; mais si l’esprit sondait ce


qu’alors même furent la sagesse et la félicité de leurs habitans, il trouverait qu’il y eut dans leur gloire moins de réalité que d’éclat : il verrait que dans les anciens états, même les plus vantés ; il y eut d’énormes vices, de cruels abus, d’où résulta précisément leur fragilité ; qu’en général, les principes des gouvernemens étaient atroces, qu’il régnait, de peuple à peuple, un brigandage insolent, des guerres barbares, des haines implacables ; que le droit naturel était ignoré ; que la moralité était pervertie par un fanatisme insensé, par des superstitions déplorables ; qu’un songe, une vision, un oracle, causaient, à chaque instant, de vastes commotions ; et peut-être les nations ne sont-elles pas encore bien guéries de tant de maux ; mais du moins leur intensité a diminué, et l’expérience du passé n’a pas été totalement perdue. Depuis trois siècles surtout, les lumières se sont accrues, propagées ; la civilisation, favorisée de circonstances heureuses, a fait des progrès sensibles : les inconvéniens mêmes et les abus, ont tourné à son avantage :


car si les conquêtes ont trop étendu les états, les peuples, en se réunissant sous un même joug, ont perdu cet esprit d’isolement et de division qui les rendait tous ennemis. Si les pouvoirs se sont concentrés, il y a eu, dans leur gestion, plus d’ensemble et plus d’harmonie : si les guerres sont