Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
CHAPITRE VIII.

sous mille formes nouvelles, n’ont cessé de former un enchaînement successif de calamités.

Ainsi, ce même amour de soi qui, modéré et prudent, était un principe de bonheur et de perfection, devenu aveugle et désordonné, se transforma en un poison corrupteur ; et la cupidité, fille et compagne de l’ignorance, s’est rendue la cause de tous les maux qui ont désolé la terre.

Oui, l’ignorance et la cupidité ! voilà la double source de tous les tourments de la vie de l’homme ! C’est par elles que, se faisant de fausses idées de bonheur, il a méconnu ou enfreint les lois de la nature, dans les rapports de lui-même aux objets extérieurs, et que, nuisant à son existence, il a violé la morale individuelle ; c’est par elles que, fermant son cœur à la compassion et son esprit à l’équité, il a vexé, affligé son semblable, et violé la morale sociale. Par l’ignorance et la cupidité, l’homme s’est armé contre l’homme, la famille contre la famille, la tribu contre la tribu, et la terre est devenue un théâtre sanglant de discorde et de brigandage : par l’ignorance et la cupidité, une guerre secrète, fermentant au sein de chaque État, a divisé le citoyen du citoyen ; et une même société s’est partagée en oppresseurs et en opprimés, en maîtres et en esclaves : par elles, tantôt insolents et audacieux, les chefs d’une nation ont tiré ses fers de son propre sein, et l’avidité mercenaire a fondé le despotisme po-