Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LES RUINES.

puissant, il s’approcha d’un être semblable à lui,et il perpétua son espèce…

Ainsi, les impressions qu’il reçut de chaque objet, éveillant ses facultés, développèrent par degrés son entendement, et commencèrent d’instruire sa profonde ignorance ; ses besoins suscitèrent son industrie, ses périls formèrent son courage ; il apprit à distinguer les plantes utiles des nuisibles, à combattre les éléments, à saisir une proie, à défendre sa vie, et il allégea sa misère.

Ainsi, l’amour de soi, l’aversion de la douleur, le désir du bien-être, furent les mobiles simples et puissants qui retirèrent l’homme de l’état sauvage et barbare où la nature l’avait placé ; et lorsque maintenant sa vie est semée de jouissances, lorsqu’il peut compter chacun de ses jours par quelques douceurs, il a le droit de s’applaudir et de se dire : « C’est moi qui ai produit les biens qui m’environnent, c’est moi qui suis l’artisan de mon bonheur : habitation sûre, vêtements commodes, aliments abondants et sains, campagnes riantes, coteaux fertiles, empires peuplés, tout est mon ouvrage ; sans moi, cette terre livrée au désordre ne serait qu’un marais immonde, qu’une forêt sauvage, qu’un désert hideux. » Oui, homme créateur, reçois mon hommage ! Tu as mesuré l’étendue des cieux, calculé la masse des astres, saisi l’éclair dans les nuages, dompté la mer et