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CHAPITRE III.

pour fertiliser ce sol aride, leur industrie construisait des aqueducs, creusait des canaux, amenait, à travers les déserts, des eaux lointaines, devait-il tarir les sources des montagnes ? devait-il arracher les moissons que l’art faisait naître, dévaster les campagnes que peuplait la paix, renverser les villes que faisait fleurir le travail, troubler enfin l’ordre établi par la sagesse de l’homme ? Et quelle est cette infidélité qui fonda des empires par la prudence, les défendit par le courage, les affermit par la justice ; qui éleva des villes puissantes, creusa des ports profonds, dessécha des marais pestilentiels, couvrit la mer de vaisseaux, la terre d’habitants, et, semblable à l’esprit créateur, répandit le mouvement et la vie sur le monde ? Si telle est l’impiété, qu’est-ce donc que la vraie croyance ? La sainteté consiste-t-elle à détruire ? Le Dieu qui peuple l’air d’oiseaux, la terre d’animaux, les ondes de reptiles ; Dieu qui anime la nature entière, est-il donc un Dieu de ruines et de tombeaux ? Demande-t-il la dévastation pour hommage, et pour sacrifice l’incendie ? Veut-il pour hymnes des gémissements, des homicides pour adorateurs, pour temple un monde désert et ravagé ? Voilà cependant, races saintes et fidèles, quels sont vos ouvrages ! voilà les fruits de votre piété ! Vous avez tué les peuples, brûlé les villes, détruit les cultures, réduit la terre en solitude, et vous demandez le salaire de vos œu-