Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LES RUINES.

de Dieu qu’il en faut inculper, ou leur ignorance ? Cessez donc, ô mortels, d’accuser la fatalité du sort ou les jugements de la Divinité ! Si Dieu est bon, sera-t-il l’auteur de votre supplice ? S’il est juste, sera-t-il le complice de vos forfaits ? Non, non ; la bizarrerie dont l’homme se plaint n’est point la bizarrerie du destin ; l’obscurité où sa raison s’égare n’est point l’obscurité de Dieu ; la source de ses calamités n’est point reculée dans les cieux ; elle est près de lui sur la terre : elle n’est point cachée au sein de la Divinité ; elle réside dans l’homme même ; il la porte dans son cœur.

« Tu murmures et tu dis : Comment des peuples infidèles ont-ils joui des bienfaits des cieux et de la terre ? Comment des races saintes sont-elles moins fortunées que des peuples impies ? Homme fasciné ! où est donc la contradiction qui te scandalise ? Où est l’énigme que tu supposes à la justice des cieux ? Je remets à toi-même la balance des grâces et des peines, des causes et des effets. Dis : Quand ces infidèles observaient les lois des cieux et de la terre, quand ils réglaient d’intelligents travaux sur l’ordre des saisons et la course des astres, Dieu devait-il troubler l’équilibre du monde pour tromper leur prudence ? Quand leurs mains cultivaient ces campagnes avec soins et sueurs, devait-il détourner les pluies, les rosées fécondantes, et y faire croître des épines ? Quand,