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CHAPITRE III.

des cités puissantes sont réduites en solitudes, est-ce Dieu qui en a causé la ruine ? Est-ce sa main qui a renversé ces murailles, sapé ces temples, mutilé ces colonnes, ou est-ce la main de l’homme ? Est-ce le bras de Dieu qui a porté le fer dans la ville et le feu dans la campagne, qui a tué le peuple, incendié les moissons, arraché les arbres et ravagé les cultures, ou est-ce le bras de l’homme ? Et lorsqu’après la dévastation des récoltes, la famine est survenue, est-ce la vengeance de Dieu qui l’a produite, ou la fureur insensée de l’homme ? Lorsque dans la famine le peuple s’est repu d’aliments immondes, si la peste a suivi, est-ce la colère de Dieu qui l’a envoyée, ou l’imprudence de l’homme ? Lorsque la guerre, la famine et la peste ont moissonné les habitants, si la terre est restée déserte, est-ce Dieu qui l’a dépeuplée ? Est-ce son avidité qui pille le laboureur, ravage les champs producteurs et dévaste les campagnes, on est-ce l’avidité de ceux qui gouvernent ? Est-ce son orgueil qui suscite des guerres homicides, ou l’orgueil des rois et de leurs ministres ? Est-ce la vénalité de ses décisions qui renverse la fortune des familles, ou la vénalité des organes des lois ? Sont-ce enfin ses passions qui, sous mille formes, tourmentent les individus et les peuples, ou sont-ce les passions des hommes ? Et si, dans l’angoisse de leurs maux, ils n’en voient pas les remèdes, est-ce l’ignorance