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CHAPITRE II.

reurs, et ces moissons, et ces troupeaux, et toute cette création d’êtres vivants dont s’enorgueillissait la face de la terre ? Hélas ! je l’ai parcourue, cette terre ravagée ! j’ai visité les lieux qui furent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… J’ai cherché les anciens peuples et leurs ouvrages, je n’en ai vu que la trace, semblable à celle que le pied du passant laisse sur la poussière. Les temples se sont écroulés, les palais sont renversés, les ports sont comblés, les villes sont détruites ; et la terre, nue d’habitants, n’est plus qu’un lieu désolé de sépulcres… Grand Dieu ! d’où viennent de si funestes révolutions ? Par quels motifs la fortune de ces contrées a-t-elle été si fort changée ? Pourquoi tant de villes se sont-elles détruites ? Pourquoi cette ancienne population ne s’est-elle point reproduite et perpétuée ?

Ainsi livré à ma rêverie, sans cesse de nouvelles réflexions se présentaient à mon esprit. Tout, continuai-je, égare mon jugement et jette mon cœur dans le trouble et l’incertitude. Quand ces contrées jouissaient de ce qui compose la gloire et le bonheur des hommes, c’étaient des peuples infidèles qui les habitaient : c’était le Phénicien, sacrificateur homicide à Molok, qui rassemblait dans ses murs la richesse de tous les climats ; c’était le Kaldéen, prosterné devant un serpent[1], qui

  1. Le dragon Bel.