lui inspiraient. Les débats furent beaucoup plus vifs sur l’expédition de Saint-Domingue. Volney, qui avait été appelé à la discuter dans un conseil privé, s’y opposa de tout son pouvoir. Il représenta avec force tous les obstacles qu’on aurait à surmonter et tout ce qu’il y aurait encore à craindre, en supposant qu’on parvînt à s’emparer de l’île. « Admettons, ajouta-t-il, que les nègres, libres depuis douze ans, veuillent bien rentrer dans la servitude, que Toussaint-Louverture vous tende les bras, que votre armée s’acclimate sans danger, que votre colonie reprenne son ancienne activité ; eh bien ! même dans ces suppositions, qui me semblent contraires aux notions du plus simple bon sens, vous commettrez la plus grave des fautes. Pensez-vous que les Anglais, aujourd’hui seuls possesseurs des mers, ne vous feront pas bientôt une nouvelle guerre pour s’emparer de cette colonie ? Est-ce donc pour eux que vous voulez faire tant de sacrifices ? Qu’est-ce qu’un domaine qui n’offre point à ses maîtres de communication directe pour l’exploiter, et encore moins pour le défendre ? » Quelques mois après, les désastres de Saint-Domingue furent connus : des amis de cour ne manquèrent pas de répéter au premier consul les propos que Volney avait tenus contre cette expédition dont il avait si clairement prédit les suites ; et, suivant l’usage, ces propos furent commentés et envenimés.
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DE C.-F. VOLNEY