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LES RUINES.

les lumières ou l’ignorance des peuples, ils s’étaient faits tour à tour astrologues, tireurs d’horoscopes, devins, magiciens, nécromanciens, charlatans, médecins, courtisans, confesseurs de princes, toujours tendant au but de gouverner pour leur propre avantage ;

Que tantôt ils avaient élevé le pouvoir des rois et consacré leurs personnes, pour s’attirer leurs faveurs ou participer à leur puissance ;

Et que tantôt ils avaient prêché le meurtre des tyrans (se réservant de spécifier la tyrannie), afin de se venger de leur mépris ou de leur désobéissance ;

Que toujours ils avaient appelé impiété ce qui nuisait à leurs intérêts ; qu’ils résistaient à toute instruction publique, pour exercer le monopole de la science ; qu’enfin en tout temps, en tout lieu, ils avaient trouvé le secret de vivre en paix au milieu de l’anarchie qu’ils causaient, en sûreté sous le despotisme qu’ils favorisaient, en repos au milieu du travail qu’ils prêchaient, dans l’abondance au sein de la disette ; et cela, en exerçant le commerce singulier de vendre des paroles et des gestes à des gens crédules, qui les paient comme des denrées du plus grand prix.

Alors les peuples, saisis de fureur, voulurent mettre en pièces les hommes qui les avaient abusés ; mais le législateur arrêtant ce mouvement de violence, et s’adressant aux chefs et aux docteurs :