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LES RUINES.

phème, et voulurent l’empêcher de continuer ; mais le législateur ayant observé que ce n’était qu’une exposition de faits historiques ; que, si ces faits étaient faux ou controuvés, il serait aisé de les démentir ; que jusque-là l’énoncé de toute opinion était libre, sans quoi il était impossible de découvrir la vérité, l’orateur reprit :

« Or, de toutes ces causes et de l’association continuelle d’idées disparates, résultèrent une foule de désordres dans la théologie, dans la morale, dans les traditions ; et d’abord, parce que les animaux figurèrent les astres, il arriva que les qualités des brutes, leurs penchants, leurs sympathies, leurs aversions passèrent aux dieux, et furent supposés être leurs actions : ainsi, le dieu ichneumon fit la guerre au dieu crocodile, le dieu loup voulu manger le dieu mouton, le dieu ibis dévora le dieu serpent ; et la divinité devint un être bizarre, capricieux, féroce, dont l’idée dérégla le jugement de l’homme, et corrompit sa morale avec sa raison.

« Et parce que, dans l’esprit de leur culte, chaque famille, chaque nation avait pris pour patron spécial un astre, une constellation, les affections et les antipathies de l’animal symbole passèrent à ses sectateurs ; et les partisans du dieu chien furent ennemis de ceux du dieu loup ; les adorateurs du dieu bœuf eurent en horreur ceux qui le mangeaient ; et la religion devint un mobile de haine