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CHAPITRE XXII.

« Ayant dit qu’une planète entrait dans un signe, on fit de leur conjonction un mariage, un adultère, un inceste. Ayant dit qu’elle était cachée, ensevelie, parce qu’après avoir disparu elle revenait à la lumière et remontait en exaltation, on la dit morte, ressuscitée, enlevée au ciel, etc.

« Une seconde cause de confusion fut les figures matérielles elles-mêmes par lesquelles on peignit d’abord les pensées, et qui, sous le nom d’hiéroglyphes ou caractères sacrés, furent la première invention de l’esprit. Ainsi, pour avertir de l’inondation et du besoin de s’en préserver, l’on avait peint une nacelle, le navire Argo ; pour désigner le vent, l’on avait peint une aile d’oiseau ; pour spécifier la saison, le mois, l’on avait peint l’oiseau de passage, l’insecte, l’animal qui apparaissait à cette époque ; pour exprimer l’hiver, on peignit un porc, un serpent, qui se plaisent dans les lieux humides ; et la réunion de ces figures avait des sens convenus de phrases et de mots. Mais comme ce sens ne portait par lui-même rien de fixe et de précis ; comme le nombre de ces figures et de leurs combinaisons devint excessif, et surchargea la mémoire, il en résulta d’abord des confusions, des explications fausses. Ensuite le génie ayant inventé l’art plus simple d’appliquer les signes aux sons, dont le nombre est limité, et de peindre la parole au lieu des pensées, l’écriture alphabétique fit tomber en désuétude les peintures hiéro-