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LES RUINES.

une volonté, une intelligence de l’espèce de la sienne ; et de là, par induction, il fit un nouveau raisonnement. — Ayant éprouvé que certaines pratiques envers ses semblables avaient l’effet de modifier à son gré leurs affections et de diriger leur conduite, il employa ces pratiques avec les êtres puissants de l’univers ; il se dit : « Quand mon semblable, plus fort que moi, veut me faire du mal, je m’abaisse devant lui, et ma prière a l’art de le calmer. Je prierai les êtres puissants qui me frappent ; je supplierai les intelligences des vents, des astres, des eaux, et elles m’entendront ; je les conjurerai de détourner les maux, de me donner les biens dont elles disposent ; je les toucherai par mes larmes, je les fléchirai par mes dons, et je jouirai du bien-être. »

« Et l’homme, simple dans l’enfance de sa raison, parla au soleil, à la lune ; il anima de son esprit et de ses passions les grands agents de la nature ; il crut, par de vains sons, par de vaines pratiques, changer leurs lois inflexibles : erreur funeste ! il pria la pierre de monter, l’eau de s’élever, les montagnes de se transporter, et substituant un monde fantastique au monde véritable, il se constitua des êtres d’opinion, pour l’épouvantail de son esprit et le tourment de sa race.

« Ainsi les idées de Dieu et de religion, à l’égal de toutes les autres, ont pris leur origine dans les