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LES RUINES.

offrant à chaque phrase des sens obscurs, ambigus, contraires, il a fallu l’expliquer, le commenter ; et ses interprètes, divisés d’opinions, se sont partagés en sectes opposées et ennemies. L’une soutient qu’Ali est le vrai successeur ; l’autre défend Omar et Abonbekre : celle-ci nie l’éternité du Qôran, celle-là la nécessité des ablutions, des prières : le Carmate proscrit le pèlerinage et permet le vin ; le Hakemite prêche la transmigration des âmes : ainsi jusqu’au nombre de soixante-douze partis, dont tu peux compter les enseignes. Dans cette opposition, chacun s’attribuant exclusivement l’évidence, et taxant les autres d’hérésie, de rébellion, a tourné contre tous son apostolat sanguinaire. Et cette religion qui célèbre un Dieu clément et miséricordieux, auteur et père commun de tous les hommes, devenue un flambeau de discorde, un motif de meurtre et de guerre, n’a cessé depuis douze cents ans d’inonder la terre de sang, et de répandre le ravage et le désordre d’un bout à l’autre de l’ancien hémisphère.

« Ces hommes remarquables par leurs énormes turbans blancs, par leurs amples manches, par leurs longs chapelets, sont les imans, les mollas, les muphtis, et près d’eux les derviches au bonnet pointu, et les santons aux cheveux épars. Les voilà qui font avec véhémence la profession de foi, et commencent de disputer sur les souillures