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CHAPITRE XVII.

rans civils et sacrés qui trompent les rois et oppriment les peuples, furent saisies de rage et d’effroi ; et tramant des desseins perfides : « Malheur à nous, dirent-ils, si le cri funeste de la liberté parvient à l’oreille de la multitude ! Malheur à nous, si ce pernicieux esprit de justice se propage !… » Et voyant flotter l’étendard : « Concevez-vous l’essaim de maux renfermés dans ces seules paroles ? Si tous les hommes sont égaux, où sont nos droits exclusifs d’honneur et de puissance ? Si tous sont ou doivent être libres, que deviennent nos esclaves, nos serfs, nos propriétés ? Si tous sont égaux dans l’état civil, où sont nos prérogatives de naissance, d’hérédité ? et que devient la noblesse ? S’ils sont tous égaux devant Dieu, où est le besoin de médiateurs ? et que devient le sacerdoce ? Ah ! pressons-nous de détruire un germe si fécond, si contagieux ! Employons tout notre art contre cette calamité ; effrayons les rois, pour qu’ils s’unissent à notre cause. Divisons les peuples, et suscitons-leur des troubles et des guerres. Occupons-les de combats, de conquêtes et de jalousies. Alarmons-les sur la puissance de cette nation libre. Formons une grande ligue contre l’ennemi commun. Abattons cet étendard sacrilège, renversons ce trône de rébellion, et étouffons dans son foyer cet incendie de révolution. »

Et en effet, les tyrans civils et sacrés des peuples formèrent une ligue générale ; entraînant sur leurs