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CHAPITRE XIV.

clavages ? La liberté naîtra-t-elle du sein des tyrans, et la justice sera-t-elle rendue par des mains spoliatrices et avares ? Ô Génie ! j’ai vu les pays civilisés, et l’illusion de leur sagesse s’est dissipée devant mes regards : j’ai vu les richesses entassées dans quelques mains, et la multitude pauvre et dénuée ; j’ai vu tous les droits, tous les pouvoirs concentrés dans certaines classes, et la masse des peuples passive et précaire : j’ai vu des maisons de prince, et point de corps de nations ; des intérêts de gouvernement, et point d’intérêt ni d’esprit public : j’ai vu que toute la science de ceux qui commandent consistait à opprimer prudemment ; et la servitude raffinée des peuples policés m’a paru plus irrémédiable.

« Un obstacle surtout, ô Génie ! a profondément frappé ma pensée : en portant mes regards sur le globe, je l’ai vu partagé en vingt systèmes de cultes différents : chaque nation a reçu ou s’est fait des opinions religieuses opposées ; et chacune, s’attribuant exclusivement la vérité, veut croire toute autre en erreur. Or si, comme il est de fait, dans leur discordance, le grand nombre des hommes se trompe, et se trompe de bonne foi, il s’ensuit que notre esprit se persuade du mensonge comme de la vérité ; et alors, quel moyen de l’éclairer ? Comment dissiper le préjugé qui d’abord a saisi l’esprit ? Comment surtout écarter son bandeau, quand le premier article de cha-