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CHAPITRE XII.

les femmes ont vendu leur crédit, et la vénalité a introduit une dépravation générale : ils ont vendu la faveur suprême au visir, et le visir a vendu l’empire. Ils ont vendu la loi au cadi, et le cadi a vendu la justice. Ils ont vendu au prêtre l’autel, et le prêtre a vendu les cieux ; et l’or conduisant à tout, l’on a tout fait pour obtenir l’or : pour l’or, l’ami a trahi son ami ; l’enfant, son père ; le serviteur, son maître ; la femme, son honneur ; le marchand, sa conscience ; et il n’y a plus eu dans l’État ni bonne foi, ni mœurs, ni concorde, ni force.

« Et le pacha, qui a payé le gouvernement de sa province, l’a considérée comme une ferme, et il y a exercé toute concussion. À son tour, il a vendu la perception des impôts, le commandement des troupes, l’administration des villages ; et comme tout emploi a été passager, la rapine, répandue de grade en grade, a été hâtive et précipitée. Le douanier a rançonné le marchand, et le négoce s’est anéanti ; l’aga a dépouillé le cultivateur, et la culture s’est amoindrie. Dépourvu d’avances, le laboureur n’a pu ensemencer : l’impôt est survenu, il n’a pu payer ; on l’a menacé du bâton, il a emprunté ; le numéraire, faute de sûreté, s’est trouvé caché ; l’intérêt a été énorme, et l’usure du riche a aggravé la misère de l’ouvrier.

« Et des accidents de saison, des sécheresses