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CHAPITRE XII.

traires, lorsque le Génie, saisi d’un mouvement de colère, s’écria avec véhémence :

« Quels accents de démence frappent mon oreille ? quel délire aveugle et pervers trouble l’esprit des nations ? Prières sacrilèges, retombez sur la terre ! et vous, Cieux, repoussez des vœux homicides, des actions de grâces impies ! Mortels insensés ! est-ce donc ainsi que vous révérez la Divinité ? Dites ! comment celui que vous appelez votre père commun doit-il recevoir l’hommage de ses enfants qui s’égorgent ? Vainqueurs ! de quel œil doit-il voir vos bras fumants du sang qu’il a créé ? Et vous, vaincus ! qu’espérez-vous de ces gémissements inutiles ? Dieu a-t-il donc le cœur d’un mortel, pour avoir des passions changeantes ? est-il comme vous, agité par la vengeance ou la compassion, par la fureur ou le repentir ? quelles idées basses ils ont conçues du plus élevé des êtres ! À les entendre, il semblerait que, bizarre et capricieux, Dieu se fâche ou s’apaise comme un homme ; que tour à tour il aime ou il hait ; qu’il bat ou qu’il caresse ; que, faible ou méchant, il couve sa haine ; que, contradictoire et perfide, il tend des pièges pour y faire tomber ; qu’il punit le mal qu’il permet ; qu’il prévoit le crime sans l’empêcher ; que, juge partial, on le corrompt par des offrandes ; que, despote imprudent, il fait des lois qu’ensuite il révoque ; que, tyran farouche, il ôte ou donne ses grâces sans raison, et ne se