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CHAPITRE XI.

dant des règnes entiers, on vit des millions de bras employés à des travaux stériles : et le luxe des princes, imité par leurs parasites et transmis de grade en grade jusqu’aux derniers rangs, devint une source générale de corruption et d’appauvrissement.

Et, dans la soif insatiable des jouissances, les tributs ordinaires ne suffisant plus, ils furent augmentés ; et le cultivateur, voyant accroître sa peine sans indemnité, perdit le courage ; et le commerçant, se voyant dépouillé, se dégoûta de son industrie ; et la multitude, condamnée à demeurer pauvre, restreignit son travail au seul nécessaire, et toute activité productive fut anéantie.

La surcharge rendant la possession des terres onéreuse, l’humble propriétaire abandonna son champ, ou le vendit à l’homme puissant ; et les fortunes se concentrèrent en un moindre nombre de mains. Et toutes les lois et les institutions favorisant cette accumulation, les nations se partagèrent entre un groupe d’oisifs opulents et une multitude pauvre de mercenaires. Le peuple indigent s’avilit, les grands rassasiés se dépravèrent ; et le nombre des intéressés à la conservation de l’État décroissant, sa force et son existence devinrent d’autant plus précaires.

D’autre part, nul objet n’étant offert à l’émulation, nul encouragement à l’instruction, les esprits tombèrent dans une ignorance profonde.