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CHAPITRE IX .

« Nous nous nuisons mutuellement par nos passions ; et, pour vouloir chacun tout envahir, il résulte que nul ne possède ; ce que l’un ravit aujourd’hui, on le lui enlève demain, et notre cupidité retombe sur nous-mêmes. Établissons-nous des arbitres, qui jugent nos prétentions et pacifient nos discordes. Quand le fort s’élèvera contre le faible, l’arbitre le réprimera, et il disposera de nos bras pour contenir la violence ; et la vie et les propriétés de chacun de nous seront sous la garantie et la protection communes, et nous jouirons tous des biens de la nature. »

Et, au sein des sociétés, il se forma des conventions, tantôt expresses et tantôt tacites, qui devinrent la règle des actions des particuliers, la mesure de leurs droits, la loi de leurs rapports réciproques ; et quelques hommes furent préposés pour les faire observer, et le peuple leur confia la balance pour peser les droits, et l’épée pour punir les transgressions.

Alors s’établit entre les individus un heureux équilibre de forces et d’action, qui fit la sûreté commune. Le nom de l’équité et de la justice fut reconnu et révéré sur la terre ; chaque homme pouvant jouir en paix des fruits de son travail, se livra tout entier aux mouvements de son âme ; et l’activité, suscitée et entretenue par la réalité ou par l’espoir des jouissances, fit éclore toutes les richesses de l’art et de la nature ; les champs