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Si l’observation directe, de l’auteur au sujet, est impossible, si le psychologue n’a pas vécu dans le voisinage de son personnage, il va alors fouiller dans sa correspondance privée, là où il sait trouver le sujet débordant dans ses plaisirs et ses peines, ou bien il t’ait sur-le-champ une enquête discrète, sans pourtant remuer la boue trop noire, quoi qu’on en ail dit. S’agit-il d’auteurs ou d’hommes passés, il s’adresse à l’histoire, qu’au besoin il discute et contrôle.

Le « dossier » établi, l’analyse doit commencer, niais une analyse à la Condillac. qui consiste en un choix d’abord, puis en un groupement, une synthèse déjà.

Ainsi Sainte-Beuve se posait sur son sujet un certain nombre de questions dont on trouve les réponses à chacun de ses articles : « Que pensait-il en religion ? comment était-il affecté du spectacle de la nature ? comment se comportait-il sur l’article des femmes ? quelle était sa manière journalière de vivre ? Aucune des réponses à ces questions n’est indifférente pour juger l’auteur d’un livre et ce livre lui-même. »

C’est voir le sujet dans ses actes physiques et moraux, l’altitude qu’il prend devant les différentes nécessités de la vie. quels sentiments il met en jeu, et avec quelle force il les utilise. De là se dégage la faculté maîtresse, la note dominante, qui permet le rapprochement avec d’autres personnages déjà connus. Quelquefois même, la nouvelle observation entreprise est simplifiée, complétée par les études antérieures et le groupement des familles. Chez Sainte-Beuve, combien, par exemple, la connaissance sûre qu’il avait de Cha-